Notes de Charles Barre, mobilisé au 102e R.I. de Chartres. Blessé, puis affecté au 302e R.I.
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Notes de Charles Barre, mobilisé au 102e R.I. de Chartres. Blessé, puis affecté au 302e R.I.
source : http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Pagesvecuesrecitstemoignages/Combattants/transcription-charles-barre-sujet_407_1.htm
BARRE Charles
Classe 1910
302e d’infanterie
Campagne 14-15
Impressions sur la mobilisation
Mobilisation faite dans le plus grand calme ; avec les partis politiques qui existaient tout le monde aurait cru à quelque troubles, ce qui ne se produisit heureusement pas, nous fût [sic] de bon augure, faisant espérer la victoire que nous aurons certainement dans quelques temps.
Au début, je vois l’attaque brusquée des boches qui aurait pu réussir sans la défense héroïque de ces pauvres belges qui nous ont sauvés d’une défaite. Sans cette défense, je ne sais ce qui se serait produit dans la population, surtout qu’ils avançaient à grands pas. Heureusement qu’après, et même pendant notre retraite qui s’est faite en ordre, le ministère fut changé, que le général Joffre prit le commandement suprême des armées. Je crois, sans lui, il aurait été sacrifié davantage d’hommes et le résultat n’aurait pas été meilleur, au contraire.
Du reste, la bataille de la Marne est là, à nos yeux, pour le démontrer, et qui est la plus grande de l’Histoire à nos jours. Si nous avions été bien outillés et préparés à ce moment-là, nous n’aurions pas eu le retard d’une journée comme nous l’avons eu ; ils n’auraient pas été à même de pouvoir prendre position dans les carrières de l’Aisne où, depuis, ils sont terrés. Il aurait bien fallu qu’ils décampent et cette guerre serait peut-être finie aujourd’hui.
Cela n’est pas à nous qu’il est permis de juger ce qui a été fait de mal au début et ce qui s’est passé depuis. Nous avons tous le même but : c’est vaincre à tout prix et nous vaincrons. Ce qui est désiré par tous c’est la victoire finale au plus vite. Si cela durait encore six mois comme cela a déjà duré, je ne sais ce que le peuple aurait pour l’année 1916 comme nourriture ; que tous les hommes seraient sous les drapeaux ou presque tous, il n’y aurait personne pour cultiver la terre et même faire la moisson de cette année. Je ne crois pas que nous en arriverons là ! Ce n’est qu’une hypothèse que je fais ! car la victoire alliée se fera avant, sera le salut des petits états neutres et de la civilisation. Ce sera aussi une nouvelle France qui naîtra. Après cette défaite, l’Allemagne sera divisée, puis pas prête à nuire ; cela pourrait aussi être la fin des guerres, Dieu merci, car ce n’est nullement beau à voir. En un mot, l’avenir se présente beau pour nous, fait espérer de bonnes choses et en même temps nous donne du courage.
Petites impressions sur les gens de la Meuse.
La froideur et mauvais accueil que nous avons eus, nous faisant payer tout hors de prix, même allant nous dire qu’ils aimaient mieux voir les allemands arriver que de voir les français. Chacun en pensera comme il le voudra, mais pour ma part, s’il nous avait été permis, je crois que nous les aurions tous fusillés ; ils le méritaient. Mais le français est trop bon et trop patient. Voilà pourquoi les espions foisonnent tant chez nous.
Mois d’août et septembre. Début fait avec mon régiment (102e d’infanterie, 4e Corps) avant d’être blessé.
Partis de Chartres dans la nuit du 6 au 7 août, nous dirigeant pour une destination inconnue qui était Verdun, où nous y arrivons le lendemain au soir, puis, faisant machine arrière pour débarquer à Dugny. Après avoir cantonné nous faisons l’étape Dugny – Beaumont, une trentaine de kilomètres, qui fut très dure ; vu notre manque d’entraînement, on était fatigué par la longueur du chemin, sac lourd, puis la poussière et surtout la chaleur, que nous avons pris un repos bien gagné.
Lendemain, départ par alerte vers une heure après midi pour Gincrey, distant à 20 ou 25 kilomètres, où nous restons trois jours après avoir fait les trois-quarts de l’étape en déploiement de combat dans les terres labourées et champs de blé et avoine non coupés, ce qui était bien fatigant. Pendant ces jours-là, nous avons fait des tranchées, et des bonnes. Ensuite, à Azannes, même distance à peu près. Deux jours à faire des tranchées avec le génie.
Puis, Billy-sous-Mangiennes, où l’on cantonne la nuit et, le lendemain, petite étape, trois à quatre kilomètres, pour Mangiennes. Où nous restons encore deux jours. C’est là que la vision d’un combat se trouve sous nos yeux. Le 130e d’infanterie, quelques jours avant, fut décimé par surprise. Dire l’effet que cela nous a fait quand, passant devant la tombe longue, que nous leur avons rendu les honneurs à ces glorieux morts du devoir ; puis à quelques distances, un petit lavoir où il y avait capotes, pantalons, chemises, flanelles, le tout plein de sang. Pour ma part, je n’ai pas ressenti émotion plus forte, même pas au premier combat. Je puis dire que j’en ai vu.
Ensuite, Saint-Laurent où, après avoir passé deux jours dont un en avant-poste et fait des tranchées, nos allons le lendemain cantonner à la Malmaison, à un kilomètre de la frontière belge. Puis, lendemain, passons la frontière ; après avoir passé Allondrelle, Harnoncourt, Saint-Mard, puis Ethe où nous avons combattu le 22 août.
Toute la matinée nous avons été sous les obus, mais le plus fort fut l’après-midi de trois heures à cinq. Par suite du brouillard le matin qui trompa beaucoup, il y eut un groupe du 26e d’artillerie qui fut anéanti et dont les pièces y restèrent, je crois. Là, nous étions une malheureuse division contre trois corps de boches. La retraite s’est opérée en bon ordre, mon bataillon la soutenant, et le génie restant avec nous puis faisant sauter un pont au dernier moment. De là, nous sommes repliés jusqu’à Vexin. Après avoir passé la nuit dehors, le lendemain nous retournons entre la Malmaison et Torgny sur la lisière des bois, mais rien à signaler de la journée, si ce n’est les boches descendant du côté de Longuyon. Nous fûmes obligés de nous replier, car autrement l’on était pris de flanc, jusqu’à Marville. Fait des tranchées, le lendemain, pour la défense du pays. Le soir, à la nuit tombée, mon bataillon prend les avant-postes à trois kilomètres du pays, en avant. Même en étant de faction on entendait facilement leur parler, ce qui prouve que l’on était pas loin d’eux.
Le matin, à la pointe du jour, les hussards du 8e étant en patrouille et nous avions pas fait une centaine de mètres que les balles nous arrivent, drues comme grêle. Voyant ça, on nous fait battre en retraite mais, à mi-chemin de Marville, il y a un petit bourg qui s’appelle Villers, si je me rappelle. Qu’est-ce que nous voyons : ces messieurs les boches qui avaient le même uniforme que nous, nous tirant dessus, et en plus, eux, sonnaient le refrain de notre régiment et le cessez-le-feu, que les nôtres se laissaient prendre et ont cessé de tirer ; mais, pendant que nous ne tirons plus, eux autres redoublaient car ils n’étaient pas à 200 mètres de nous. Cela fait que l’on a rejoint le pays comme on a pu. Mais après, qu’est-ce que nous leur avons passé. Cela était le 25 août. Il paraît que nous en avons descendu au moins huit milles, et cela ne m’étonne pas car leur infanterie battait en retraite. Ce qui fait que l’on s’est retiré c’est au moins quarante grosses pièces qui ont démoli le pays et y ont mis le feu. Tant qu’il n’y avait qu’infanterie l’une contre l’autre, nous avons eu presque pas de blessés, mais au bombardement, il y en eut.
Depuis midi ou une heure, nous avons marché jusqu’au lendemain matin 4 heures, à Doulcon, ce qui fait que le chemin parcouru était sûrement de plus de 50 kilomètres et rudement fatigués. Puis, de là, dans plusieurs petits pays que je ne vois pas sur la carte. Enfin, le 30 et 31 à Beauclair où il a fallu les déloger pour pouvoir cantonner. Au moment que l’on avait l’avantage, oblige de battre en retraite par suite d’un régiment. Le mal qui est fait est bien fait. On ne peut faire que songer à le réparer. De là, retiré jusqu’à Saint-Florent, à une dizaine de kilomètres de Sainte-Menehould où, le lendemain soir, nous embarquons pour Paris.
Après avoir passé quatre jours et nuits, débarquement à Pantin pour réembarquer quelques heures après Neuily-Plaisance pour Nanteuil-le-Haudouin. 8 et 9 septembre : après ces deux jours de combat qui fut une débâcle pour les boches et que l’on a vu le travail de nos bons 75 : les canons abandonnés, mitrailleuses et matériels, il y avait quelque chose !
A Crépy-en-Valois, où nous cantonnons la nuit. Puis Chelles, près Pierrefonds le 11. Lendemain, passons l’Aisne à la Motte Breuil puis cantonné à Attichy. Ensuite, ferme des Loges le 15. Jours suivants, passons Tracy-le-Mont et le Val, pour Puisaleine. Le 16, journée mémorable pour ma compagnie, 10e. Ensuite, Ferme Rouge et Blanche, où nous restons cinq jours sans aucune nourriture que betteraves blanches et rouges quand on put en avoir. Mais impossible de nous ravitailler dans ces chemins.
Ensuite, remplacé par un autre corps, et nous revenons sur nos pas pour aller cantonner à Compiègne, puis Margny-sur-Matz et ensuite une ferme où nous livrons combat, à quatre kilomètres à peu près de Lassigny, qui dura deux jours (21-22). Et, là encore, un autre corps nous remplace, et nous allons dans les environs de Roye à Champien où, après des alternatives d’avances et de reculs de part et d’autre, je fis quatre jours de combats là, quand, le quatrième jour, je fus blessé d’un éclat d’obus à la main (26 septembre).
De l’hôpital provisoire de Roye, évacué à Montdidier où un train sanitaire nous emmena à Aubervilliers où nous y restons assez de temps pour faire les pansements. Puis, de là à Chartres où je reste à l’hôpital des Dames de France, où je fus très bien soigné. Ma blessure demanda un mois et demi à guérir.
Après dix jours de convalescence, je retourne à mon dépôt où je reste trois semaines.
[Le] jour où j’ai demandé à retourner au front et qui me fut accordé, je partais quelques jours après avec mon régiment de réserve qui est le 302e, se trouvant sur les Hauts-de-Meuse, à Lacroix-sur-Meuse, à quelques kilomètre en avant de Troyon.
Après avoir voyagé deux jours, on arrive à Verdun, puis nous allons débarquer à Ancemont. Fait ensuite étape jusqu’à Lacroix, une vingtaine de kilomètres, en passant pas Senoncourt, Villers, Tilly-sur-Meuse, Troyon et Lacroix.
Les tranchées que nous occupions sur la route de la Morville, à trois kilomètres en avant du pays, n’étaient pas des plus dangereuse car, des deux mois que j’y suis resté, nous avons eu aucun combat, sauf des patrouilles boches, la nuit, qui nous tiraient dessus, et les obus de 77 encore assez souvent.
Vers Noël, nous avons été, que mon bataillon, en renfort du 173e qui se trouvait près de Ranzières, à Vaux, où nous y restons cinq jours pour leur permettre de reprendre les tranchées qu’ils avaient perdues momentanément. Puis, nous somme revenus à Lacroix jusqu’au jour où je suis forcé par mon lieutenant à me faire porter malade. Je suis resté neuf jours à l’infirmerie de Lacroix en n’ayant pas de fièvre. Je ne pouvais être évacué. Il fallut que j’aie des crachements de sang pour être expédié, le 12 février, à l’hôpital divisionnaire de Ambly. Puis, après la visite, le lendemain, évacué à l’hôpital de Neuf-Château où nous y sommes restés à peine la journée pour être évacués à l’hôpital de la Loubière, à Toulon, où je suis très bien soigné par le bon docteur, et je remercie toutes ces dames pour les soins dévoués qu’elles nous donnent et nous gâtent.
En partant guéri, j’en emporterai le plus profond souvenir. C’est des choses que l’on n’oublie pas. Je repartirai aussi content qu’au mois de décembre retrouver tous mes camarades.
Charles BARRE
Rue Jallans, 51 ter
Châteaudun, Eure-et-Loir
Le 1er mars 1915
BARRE Charles
Classe 1910
302e d’infanterie
Campagne 14-15
Impressions sur la mobilisation
Mobilisation faite dans le plus grand calme ; avec les partis politiques qui existaient tout le monde aurait cru à quelque troubles, ce qui ne se produisit heureusement pas, nous fût [sic] de bon augure, faisant espérer la victoire que nous aurons certainement dans quelques temps.
Au début, je vois l’attaque brusquée des boches qui aurait pu réussir sans la défense héroïque de ces pauvres belges qui nous ont sauvés d’une défaite. Sans cette défense, je ne sais ce qui se serait produit dans la population, surtout qu’ils avançaient à grands pas. Heureusement qu’après, et même pendant notre retraite qui s’est faite en ordre, le ministère fut changé, que le général Joffre prit le commandement suprême des armées. Je crois, sans lui, il aurait été sacrifié davantage d’hommes et le résultat n’aurait pas été meilleur, au contraire.
Du reste, la bataille de la Marne est là, à nos yeux, pour le démontrer, et qui est la plus grande de l’Histoire à nos jours. Si nous avions été bien outillés et préparés à ce moment-là, nous n’aurions pas eu le retard d’une journée comme nous l’avons eu ; ils n’auraient pas été à même de pouvoir prendre position dans les carrières de l’Aisne où, depuis, ils sont terrés. Il aurait bien fallu qu’ils décampent et cette guerre serait peut-être finie aujourd’hui.
Cela n’est pas à nous qu’il est permis de juger ce qui a été fait de mal au début et ce qui s’est passé depuis. Nous avons tous le même but : c’est vaincre à tout prix et nous vaincrons. Ce qui est désiré par tous c’est la victoire finale au plus vite. Si cela durait encore six mois comme cela a déjà duré, je ne sais ce que le peuple aurait pour l’année 1916 comme nourriture ; que tous les hommes seraient sous les drapeaux ou presque tous, il n’y aurait personne pour cultiver la terre et même faire la moisson de cette année. Je ne crois pas que nous en arriverons là ! Ce n’est qu’une hypothèse que je fais ! car la victoire alliée se fera avant, sera le salut des petits états neutres et de la civilisation. Ce sera aussi une nouvelle France qui naîtra. Après cette défaite, l’Allemagne sera divisée, puis pas prête à nuire ; cela pourrait aussi être la fin des guerres, Dieu merci, car ce n’est nullement beau à voir. En un mot, l’avenir se présente beau pour nous, fait espérer de bonnes choses et en même temps nous donne du courage.
Petites impressions sur les gens de la Meuse.
La froideur et mauvais accueil que nous avons eus, nous faisant payer tout hors de prix, même allant nous dire qu’ils aimaient mieux voir les allemands arriver que de voir les français. Chacun en pensera comme il le voudra, mais pour ma part, s’il nous avait été permis, je crois que nous les aurions tous fusillés ; ils le méritaient. Mais le français est trop bon et trop patient. Voilà pourquoi les espions foisonnent tant chez nous.
Mois d’août et septembre. Début fait avec mon régiment (102e d’infanterie, 4e Corps) avant d’être blessé.
Partis de Chartres dans la nuit du 6 au 7 août, nous dirigeant pour une destination inconnue qui était Verdun, où nous y arrivons le lendemain au soir, puis, faisant machine arrière pour débarquer à Dugny. Après avoir cantonné nous faisons l’étape Dugny – Beaumont, une trentaine de kilomètres, qui fut très dure ; vu notre manque d’entraînement, on était fatigué par la longueur du chemin, sac lourd, puis la poussière et surtout la chaleur, que nous avons pris un repos bien gagné.
Lendemain, départ par alerte vers une heure après midi pour Gincrey, distant à 20 ou 25 kilomètres, où nous restons trois jours après avoir fait les trois-quarts de l’étape en déploiement de combat dans les terres labourées et champs de blé et avoine non coupés, ce qui était bien fatigant. Pendant ces jours-là, nous avons fait des tranchées, et des bonnes. Ensuite, à Azannes, même distance à peu près. Deux jours à faire des tranchées avec le génie.
Puis, Billy-sous-Mangiennes, où l’on cantonne la nuit et, le lendemain, petite étape, trois à quatre kilomètres, pour Mangiennes. Où nous restons encore deux jours. C’est là que la vision d’un combat se trouve sous nos yeux. Le 130e d’infanterie, quelques jours avant, fut décimé par surprise. Dire l’effet que cela nous a fait quand, passant devant la tombe longue, que nous leur avons rendu les honneurs à ces glorieux morts du devoir ; puis à quelques distances, un petit lavoir où il y avait capotes, pantalons, chemises, flanelles, le tout plein de sang. Pour ma part, je n’ai pas ressenti émotion plus forte, même pas au premier combat. Je puis dire que j’en ai vu.
Ensuite, Saint-Laurent où, après avoir passé deux jours dont un en avant-poste et fait des tranchées, nos allons le lendemain cantonner à la Malmaison, à un kilomètre de la frontière belge. Puis, lendemain, passons la frontière ; après avoir passé Allondrelle, Harnoncourt, Saint-Mard, puis Ethe où nous avons combattu le 22 août.
Toute la matinée nous avons été sous les obus, mais le plus fort fut l’après-midi de trois heures à cinq. Par suite du brouillard le matin qui trompa beaucoup, il y eut un groupe du 26e d’artillerie qui fut anéanti et dont les pièces y restèrent, je crois. Là, nous étions une malheureuse division contre trois corps de boches. La retraite s’est opérée en bon ordre, mon bataillon la soutenant, et le génie restant avec nous puis faisant sauter un pont au dernier moment. De là, nous sommes repliés jusqu’à Vexin. Après avoir passé la nuit dehors, le lendemain nous retournons entre la Malmaison et Torgny sur la lisière des bois, mais rien à signaler de la journée, si ce n’est les boches descendant du côté de Longuyon. Nous fûmes obligés de nous replier, car autrement l’on était pris de flanc, jusqu’à Marville. Fait des tranchées, le lendemain, pour la défense du pays. Le soir, à la nuit tombée, mon bataillon prend les avant-postes à trois kilomètres du pays, en avant. Même en étant de faction on entendait facilement leur parler, ce qui prouve que l’on était pas loin d’eux.
Le matin, à la pointe du jour, les hussards du 8e étant en patrouille et nous avions pas fait une centaine de mètres que les balles nous arrivent, drues comme grêle. Voyant ça, on nous fait battre en retraite mais, à mi-chemin de Marville, il y a un petit bourg qui s’appelle Villers, si je me rappelle. Qu’est-ce que nous voyons : ces messieurs les boches qui avaient le même uniforme que nous, nous tirant dessus, et en plus, eux, sonnaient le refrain de notre régiment et le cessez-le-feu, que les nôtres se laissaient prendre et ont cessé de tirer ; mais, pendant que nous ne tirons plus, eux autres redoublaient car ils n’étaient pas à 200 mètres de nous. Cela fait que l’on a rejoint le pays comme on a pu. Mais après, qu’est-ce que nous leur avons passé. Cela était le 25 août. Il paraît que nous en avons descendu au moins huit milles, et cela ne m’étonne pas car leur infanterie battait en retraite. Ce qui fait que l’on s’est retiré c’est au moins quarante grosses pièces qui ont démoli le pays et y ont mis le feu. Tant qu’il n’y avait qu’infanterie l’une contre l’autre, nous avons eu presque pas de blessés, mais au bombardement, il y en eut.
Depuis midi ou une heure, nous avons marché jusqu’au lendemain matin 4 heures, à Doulcon, ce qui fait que le chemin parcouru était sûrement de plus de 50 kilomètres et rudement fatigués. Puis, de là, dans plusieurs petits pays que je ne vois pas sur la carte. Enfin, le 30 et 31 à Beauclair où il a fallu les déloger pour pouvoir cantonner. Au moment que l’on avait l’avantage, oblige de battre en retraite par suite d’un régiment. Le mal qui est fait est bien fait. On ne peut faire que songer à le réparer. De là, retiré jusqu’à Saint-Florent, à une dizaine de kilomètres de Sainte-Menehould où, le lendemain soir, nous embarquons pour Paris.
Après avoir passé quatre jours et nuits, débarquement à Pantin pour réembarquer quelques heures après Neuily-Plaisance pour Nanteuil-le-Haudouin. 8 et 9 septembre : après ces deux jours de combat qui fut une débâcle pour les boches et que l’on a vu le travail de nos bons 75 : les canons abandonnés, mitrailleuses et matériels, il y avait quelque chose !
A Crépy-en-Valois, où nous cantonnons la nuit. Puis Chelles, près Pierrefonds le 11. Lendemain, passons l’Aisne à la Motte Breuil puis cantonné à Attichy. Ensuite, ferme des Loges le 15. Jours suivants, passons Tracy-le-Mont et le Val, pour Puisaleine. Le 16, journée mémorable pour ma compagnie, 10e. Ensuite, Ferme Rouge et Blanche, où nous restons cinq jours sans aucune nourriture que betteraves blanches et rouges quand on put en avoir. Mais impossible de nous ravitailler dans ces chemins.
Ensuite, remplacé par un autre corps, et nous revenons sur nos pas pour aller cantonner à Compiègne, puis Margny-sur-Matz et ensuite une ferme où nous livrons combat, à quatre kilomètres à peu près de Lassigny, qui dura deux jours (21-22). Et, là encore, un autre corps nous remplace, et nous allons dans les environs de Roye à Champien où, après des alternatives d’avances et de reculs de part et d’autre, je fis quatre jours de combats là, quand, le quatrième jour, je fus blessé d’un éclat d’obus à la main (26 septembre).
De l’hôpital provisoire de Roye, évacué à Montdidier où un train sanitaire nous emmena à Aubervilliers où nous y restons assez de temps pour faire les pansements. Puis, de là à Chartres où je reste à l’hôpital des Dames de France, où je fus très bien soigné. Ma blessure demanda un mois et demi à guérir.
Après dix jours de convalescence, je retourne à mon dépôt où je reste trois semaines.
[Le] jour où j’ai demandé à retourner au front et qui me fut accordé, je partais quelques jours après avec mon régiment de réserve qui est le 302e, se trouvant sur les Hauts-de-Meuse, à Lacroix-sur-Meuse, à quelques kilomètre en avant de Troyon.
Après avoir voyagé deux jours, on arrive à Verdun, puis nous allons débarquer à Ancemont. Fait ensuite étape jusqu’à Lacroix, une vingtaine de kilomètres, en passant pas Senoncourt, Villers, Tilly-sur-Meuse, Troyon et Lacroix.
Les tranchées que nous occupions sur la route de la Morville, à trois kilomètres en avant du pays, n’étaient pas des plus dangereuse car, des deux mois que j’y suis resté, nous avons eu aucun combat, sauf des patrouilles boches, la nuit, qui nous tiraient dessus, et les obus de 77 encore assez souvent.
Vers Noël, nous avons été, que mon bataillon, en renfort du 173e qui se trouvait près de Ranzières, à Vaux, où nous y restons cinq jours pour leur permettre de reprendre les tranchées qu’ils avaient perdues momentanément. Puis, nous somme revenus à Lacroix jusqu’au jour où je suis forcé par mon lieutenant à me faire porter malade. Je suis resté neuf jours à l’infirmerie de Lacroix en n’ayant pas de fièvre. Je ne pouvais être évacué. Il fallut que j’aie des crachements de sang pour être expédié, le 12 février, à l’hôpital divisionnaire de Ambly. Puis, après la visite, le lendemain, évacué à l’hôpital de Neuf-Château où nous y sommes restés à peine la journée pour être évacués à l’hôpital de la Loubière, à Toulon, où je suis très bien soigné par le bon docteur, et je remercie toutes ces dames pour les soins dévoués qu’elles nous donnent et nous gâtent.
En partant guéri, j’en emporterai le plus profond souvenir. C’est des choses que l’on n’oublie pas. Je repartirai aussi content qu’au mois de décembre retrouver tous mes camarades.
Charles BARRE
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Châteaudun, Eure-et-Loir
Le 1er mars 1915
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